Arts et transition socio-écologique

Le rôle des arts dans la transition socio-écologique est une question fondamentale, bien qu'encore trop peu explorée au-delà de son potentiel de sensibilisation et de vulgarisation. Elle nous mène pourtant vers des réflexions sous-jacentes quant à la place des imaginaires, des récits et des artistes dans l’émerveillement et le passage à l’action lorsqu’on évoque la transition.

Pour cheminer dans ces réflexions, le Campus s’est entouré d’artistes, de chercheur.se.s et de partenaires qui, de par leurs perspectives pluridisciplinaires, ont su apporter un nouvel éclairage sur la question. Nous vous proposons de retrouver ici les résultats de ces grandes rencontres.

Intéressé.e par le sujet ? Contactez-nous pour prendre part à la conversation.

I. Le potentiel de la pratique artistique dans la transformation des imaginaires environnementaux : Écueils et opportunités

L’art écologique a-t-il un impact marginal sur les imaginaires de notre société, particulièrement dans une perspective de transition socio-écologique ? C’est en plein cœur de l’hiver 2023 et dans le cadre d’un stage Mitacs que le Campus a accueilli Alexis Curodeau-Codère (maîtrise, Institut des sciences de l’environnement, UQAM) afin qu’il réponde à cette question. Au terme d’une revue de littérature, influencée par les notions de transition écologique, d’économie écologique et de valeurs environnementales, et de près d’une quinzaine d’entretiens avec des artistes locaux, qu’Alexis nous propose une typologie qui vise à :

• Comprendre le rôle que devrait jouer la pratique artistique dans une transition socio-écologique au Québec;

• Comprendre l’influence potentielle de la pratique artistique dans l’évolution des représentations de l’environnement, de la nature et des valeurs environnementales;

• Identifier les propriétés d’une pratique artistique porteuse d’un potentiel transformatif;

• Comprendre comment la transition socio-écologique pourrait être appelée à transformer la pratique artistique et le rôle de l’artiste au Québec.

Extrait :

Ce tableau schématise la catégorisation des types d’intersection des pratiques artistiques dans la transition socio-écologique. Un beau point de départ pour comprendre le potentiel et les possibles !

Selon les conclusions de la recherche menée par Alexis, le plus grand potentiel de la pratique artistique dans la transformation des imaginaires s’incarnent par l’intégration de ces trois niveaux. 

Pour aller plus loin et découvrir le fruit des recherches et réflexions d’Alexis, plongez dans la lecture de son essai !

Cet essai s’intéresse au potentiel de la pratique artistique dans la transformation des imaginaires environnementaux dans une perspective de transition socioécologique. Autrement dit, est-ce que l’art écologique ou environnemental a un impact significatif sur les imaginaires des individus et existe-t-il un corpus académique pour en attester? Si oui, quels types d’interventions artistiques sont à privilégier? Et quel rôle l’artiste pourrait-il être appelé à adopter?

Mots clés : Imaginaires environnementaux, transition socioécologique, pratique artistique, justice environnementale, valeurs environnementales.

Alexis Curodeau-Codère a complété son stage sous la direction de Sylvain Lefèvre et René Audet, grâce au soutien du Campus de la transition écologique, de Mitacs et du Pôle sur le ville résiliente de l’UQAM.

II. chantier de recherche et d’expérimentation des savoirs et expériences vécues, perçues, imaginées et transformées de l’hiver

Marie-Hélène a fait preuve d’audace et de créativité pour enrichir son plaidoyer à travers plusieurs expériences offertes au parc.

Ses 15 présences entre novembre 2022 à avril 2023 ont donné lieu à de multiples réflexions, observations, documentations et interventions in-situ qui nourrissent encore sa démarche d’artiste-chercheuse.

Quatre activités distinctes ont donc eu lieu :

  • Un parcours de 8 poèmes-affiches éphémères, pour renouveler notre regard sur l’hiver.

  • L’atelier-famille La mitaine perdue conçue en collaboration avec Métalude 

  • La création d’un journal de bord sur sa page Instagram Hiver en nous   

Enfin, l’artiste-chercheuse a tenu à clore sa résidence en beauté avec un évènement sensoriel : Hiver en août, une occasion de parler d’hiver en plein été pour revenir sur ses conclusions et ses propres ressentis.

L'accélération de la transition écologique ne se fera pas sans une reconnaissance de notre interdépendance à la nature. Par extension, nous devons donc apprendre à assumer l’hivernité unique de notre ville afin de l’embrasser pleinement au lieu de la subir.

Marie-Hélène Roch, artiste et chercheuse, s’interroge depuis plus de 10 ans sur les thématiques de villes d’hiver durables, des perceptions saisonnières, de psychologie environnementale, de résilience climatique, de design actif et d'identité territoriale. Elle développe et conçoit des projets, qui engagent la collaboration des citoyen.ne.s et des expert.e.s dans la quête de solutions aux enjeux territoriaux d’ordres social, culturel, communautaire et collectif. Ses méthodes allient photographie documentaire, parcours performatif, mise en récits et installation dans l’espace public.

C’est ainsi que lui est venue l’idée de créer Hiver en nous : un plaidoyer pour l'humanité de l’hiver urbain qui a pour missions de :

● Prendre en compte et mobiliser les histoires, les ressentis et les émotions liés à l’hiver urbain pour développer des expressions d’appartenance et d’attachement à cette identité nordique ;

●Transformer les normes sociales pour renouveler notre regard sur l'hiver urbain ;

●Favoriser la résilience saisonnière et l’art de vivre au quotidien l’hiver en ville !

III. les Résidences d’artistes : des lieux de création et de maillage entre artistes et acteur.rice.s de la transition pour nourrir des élans et des réflexions

C’est dans le cadre de son stage en maîtrise en environnement et développement durable à l’Université de Montréal, Laure Bosvieux s’est jointe à l’équipe du Campus dans le cadre d’un stage consacré à l’étude de modèles pertinents de résidences artistiques pour des acteur.rices de la transition socioécologique.

Deux questions ont animé Laure au cours de ses recherches :

  • Comment répondre au besoin d’espaces de création et de rencontre pour les artistes, les scientifiques, les chercheur.se.s et les citoyen.ne.s qui travaillent sur la transition socio-écologique au Québec?

  • Comment valoriser le patrimoine naturel et bâti déjà existant au Québec pour accueillir et diffuser leur travail?

S’inspirant à la fois de ses expériences professionnelles passées dans le milieu culturel, des entretiens qu’elle a réalisés avec des artistes et des diffuseurs de la culture et des modèles de résidences d’ici et d’ailleurs, Laure a esquissé un programme de résidences qui, sur 10 ans, en vient à incarner les conditions optimales d’accueil et de création artistiques et d’échanges pluridisciplinaires entre les artistes et l’ensemble de la communauté. Pour ancrer cette vision, elle a ancré ce programme au sein du fort de l’île, situé au parc Jean-Drapeau. Elle nous amène ainsi à penser aux résidences sous un nouveau jour et à mesurer pleinement les possibles que peuvent offrir un patrimoine bâti tel que le fort de l’île et un patrimoine naturel tel que le mont Boulé et ses environs.

IV. LE rôle des arts dans la transition socio-écologique : retour sur notre panel à l’occasion de la présence d’acting for climate

L’art a toujours fait partie intégrante de nos sociétés, c’est un miroir de leurs problématiques, de leurs accomplissements et de leurs défis !

Aujourd’hui, l’humanité est confrontée à un nouveau défi : la crise climatique. La transition vers un mode de vie plus respectueux des limites planétaires est inévitable et soulève de nombreux questionnements et changements de pensées.

L’art, a une fois de plus, son rôle à jouer pour critiquer, questionner et se/nous positionner face à cette nouvelle crise.

Ce sujet passionnant était au coeur du panel organisé par le Campus de la transition écologique afin de questionner la place de l’art au sein de la transition. Lors de la discussion, quatre (4) panélistes, d'horizons différents, ont précisé leur point de vue sur la question.

Alexis Curodeau-Codère, qui a accompagné à merveille le Campus pendant son stage Mitacs sur l’étude des liens entre initiatives de transition socio- écologique et pratique artistique.

Nathan Biggs-Penton, artiste de cirque et chorégraphe, membre de la troupe Acting for climate et co-créateur du spectacle Branché, une célébration acrobatique de la nature qui reflète les défis dont l'humanité fait actuellement face avec les changements climatiques.

Kristelle Holliday, directrice générale et co-directrice artistique du Théâtre des petites lanternes, initiatrice du théâtre de paysage au Théâtre des Petites Lanternes.

Julie Belisle, agente culturelle du musée de la Biosphère - Espace pour la vie.

Lors de ce panel, les participant.e.s. ont échangé ensemble sur leur propre vision de l'art, ainsi que son rôle et son intégration dans la transition.

Pour Alexis, l’art est un vecteur de transition qui peut s’exprimer de plusieurs manières. L’art peut faire passer un message en alertant sur les problématiques environnementales afin de faire réagir l’opinion publique. Il peut également participer à la création de nouveaux savoirs en mobilisant différents champs de connaissances. Pour conclure, il est clair que l’art en lui-même évolue et participe à la transition par la transformation et l’adaptation de pratiques artistiques plus respectueuses de l’environnement. 

Par la suite, un aspect partagé par l’ensemble des panélistes est la question de l’interdisciplinarité. L’art sous toutes ses formes permet de créer et de toucher la société différemment ! Comme mentionne alors Alexis les pratiques artistiques se complètent et touchent différentes parties de la société. La création de nouveaux savoirs est donc également initiée par l’art, une vision partagée par Julie qui, à son tour, souligne l'implication des artistes dans la mise en lumière de certains types de savoirs qui ne sont pas présents dans des cadres plus institutionnels. 

Kristelle explique alors que la sensibilisation et le focus sur les pratiques favorables à l’environnement peuvent provoquer un effet moralisateur. Son objectif est de dépasser cette perception et de démontrer que l’art peut aborder la transition sous un angle plus positif et outrepasser ce stéréotype moralisateur. 

Les panélistes s’accordent sur le fait que l’art permet de véhiculer une transition écologique plus positive, comme le confirme Julie. Le bombardement d’informations scientifiques permet d’alerter les populations, mais n’a jamais provoqué de réaction massive. L’art permet d’apporter une vision joyeuse de la transition et une prise de conscience différente. 

Kristelle évoque ensuite le rôle politique des artistes et ce que le public est en droit d’attendre de lui. Les panélistes s’accordent alors sur le fait que chaque œuvre est politique. Les artistes sont à l’écoute de la société poursuit Kristelle. Cette importance de l’engagement est soulignée par Nathan qui explique que leurs représentations de Branché est jouée uniquement au Québec pour maintenir l'art sur le territoire et ne pas contribuer à une pollution importante par des déplacements en avion. Ces actions, en plus de l'œuvre, sont politiques ! Julie mentionne que l’engagement des artistes peut même aller jusqu'à refuser certains partenariats financiers qui ne sont pas en accord avec leurs principes.

La dernière question du public fait émerger une autre fonction de l’art dans la transition : inspirer les gens à se mettre en action. Pour Nathan c’est une mission portée par un nombre croissant d’artistes.
Si l’évolution des pratiques artistiques compte, Nathan mentionne que l’important est de toucher les gens, c’est ce qui va amener le changement. Comme il l’explique, les artistes de cirque sont contraint.e.s de prendre l’avion afin d’honorer leur contrat à l’étranger. Si la part polluante des artistes est en réalité minime, l'impact de leur décision sur les consciences n’en est que plus grand. 

L’art participe à une telle prise de conscience qu’il devient alors essentiel de véhiculer des messages qui vont plus loin qu’une démonstration de développement de pratiques artistiques plus vertes.

La question du rôle des arts dans la transition est à la genèse de notre organisation. Car, comme l’a si bien exprimé Emmanuelle Hébert ancienne directrice des partenariats du Campus, les artistes sont des « Maîtres de l’imaginaire, ils font preuve de prescience en voyant ce qui peut être invisible à nos yeux. Ils sont souvent un pas en avant de la parade et nous montrent le chemin vers un futur inconnu, qu’ils dessinent.»  - Ici l’article dont est tiré cet extrais.

Les artistes et l’art, dans cette époque inconfortable de transition sont là pour refléter ces nouveaux modes et milieux de vie, imager la résilience et nous permettre d’expérimenter autrement nos saisons, nos vulnérabilités face aux changements climatiques en nourrissant des imaginaires et des pistes de solutions.