Imaginer la transition, l’art, le territoire et ses marmottes. 

 

Ce texte a été rédigé par Alexis Curodeau-Codère qui a accompagné à merveille le Campus pendant son stage MITACS sur l’étude des liens entre initiatives de transition écologique et pratique artistique. Quelle place pour l'art dans la transformation des imaginaires environnementaux? Comment s'articule la relation entre culture et transition?


Imaginer la transition, l’art, le territoire et ses marmottes. 

Territoire 

Animal.  

Parc.  

Qu’est-ce que vous imaginez quand je dis ces mots? Et plus spécifiquement, parlant de territoire et de parc, quand je dis île Sainte-Hélène, est-ce que vous vous voyez sur le mont Boullé, observant une famille de renards ou dansez-vous de manière survoltée au milieu d’une foule suante à l’occasion d’un concert de musique électronique? Un imaginaire environnemental c’est un ensemble d’idées, d’images et de valeurs associées à l’environnement, comme celles que vous venez d’associer à l’île Sainte-Hélène. Cet imaginaire est lié à une manière de comprendre et d’agir dans le monde et, à l’échelle d’une société, ça a des impacts non seulement culturels, mais également sociaux, économiques et politiques. 

Ainsi, pour faire face aux crises environnementales qu’on traverse, il faut créer de nouveaux imaginaires. Mais lesquels et comment? C’est là que ma recherche entre en jeu. On sait que la culture joue un rôle important dans l’évolution des imaginaires, mais on comprend mal le potentiel de l’art dans la transformation des imaginaires environnementaux. C’est le sujet de ma recherche et la raison de ma présence au Campus de la transition écologique.  

Dans le cadre d’un stage Mitacs et de mes études en sciences de l’environnement, je me suis rendu, presque chaque semaine, pendant quatre mois, au parc Jean-Drapeau, retrouvant l’équipe du Campus… et ses marmottes ! Le Campus ça a été pour moi un groupe de stagiaires de toutes sortes d’horizons qui vont et qui viennent, un grand pavillon des bains pour dîner tous ensemble et jaser d’environnement, de voile et de pâtisseries. Mais c’était surtout une communauté de gens aux parcours fabuleusement différents, réunis par un même intérêt : la transition socioécologique. Je sais que sans ces discussions et ces promenades sur l’île, mon stage aurait été vraiment moins riche et beaucoup moins le fun. 

Cela dit, concrètement, ma recherche au Campus s’est déployée en trois grandes étapes : une recension de la littérature, deux dizaines d’heures de discussions avec des expert.e.s et des professionnel.le.s du monde de l’art au Québec et finalement une analyse de tout ça. En plus de répondre à la question centrale : quel est le potentiel de l’art dans la transformation des imaginaires, l’objectif plus pratique du stage était de réfléchir à des recommandations pour le Campus et ses partenaires. 

La pratique artistique pourrait avoir un rôle à jouer dans la transformation des imaginaires environnementaux, mais seulement à certaines conditions. J’ai notamment identifié trois objectifs clefs : 1. vulgariser, 2. mobiliser et 3. rapprocher. Cela signifie premièrement que l’art peut rendre accessible des connaissances et des apprentissages sur la transition. La pratique artistique devrait aussi mobiliser politiquement le spectateur à travers une prise de conscience des dimensions sociales et politiques de son rapport à l’environnement. Finalement, l’art peut rapprocher en stimulant l’empathie du spectateur pour l’amener à réfléchir à sa relation à sa communauté et au vivant en général. En effet, en Occident, on a tendance, à trop percevoir la nature comme une ressource de laquelle on pige, on extrait, alors qu’il serait important de plutôt penser en termes d’échanges, et de réfléchir aux relations qu’on tisse entre les créatures, entre nous et le monde. 

Ce que ça implique c’est non seulement une scène artistique plus inclusive, accessible et diversifiée, mais aussi un rapprochement du monde de l’art et de celui de la recherche. En fait, transformer les imaginaires avec l’art, c’est un peu aussi transformer notre manière d’imaginer l’art. Et c’est là ma découverte la plus fascinante : le potentiel de l’art va bien au-delà de la simple sensibilisation à l’environnement à travers une œuvre.  

Et si le rôle de l’artiste ce n’était pas seulement de créer des œuvres, mais aussi de mettre en lumière des savoirs expérientiels et de partager des expériences sensibles au sein d’une communauté? N’aurait-iel pas une place au sein de projets de recherche scientifique, dans des projets de transition écologique ou dans des initiatives communautaires? 

Pendant quatre mois, j’ai pédalé ou pris le métro pour aller au Campus, marchant à travers le parc. Je l’ai découvert sous la pluie, sous la neige puis sous les feuilles et les marmottes (beaucoup de marmottes). J’ai découvert ses bâtiments patrimoniaux et je me reposais alors ces mêmes questions : Comment repenser le rôle de la pratique artistique? Quelle place dans une société en transition pour les artistes? En discutant avec mes collègues stagiaires, mais aussi avec les employé.e.s du Campus, j’ai tranquillement transformé ma manière d’imaginer le rôle de l’art, mais aussi le rôle de l’île Sainte-Hélène dans la vie des Montréalais.es. 

À travers tout ça, j’ai découvert qu’il faut garder en tête une question centrale : qui a le pouvoir d’imaginer? Pour ne pas recréer de nouvelles injustices, il faut absolument donner la chance au plus de gens possible d’esquisser des imaginaires environnementaux dont la pluralité seule peut être garante d’une plus grande justice environnementale. C’est vrai pour l’art, l’environnement et c’est aussi vrai pour le parc Jean-Drapeau. Le territoire, finalement, il faut apprendre à le redécouvrir de l’intérieur, en nous et autour, mais surtout, ensemble. 

 

* Alexis Curodeau-Codère, diplômé en art visuel et en philosophie, est aujourd’hui candidat à la maîtrise en sciences de l’environnement à l’UQAM sous la direction de René Audet et Sylvain Lefèvre. Son stage a été rendu possible grâce au soutien de Mitacs, du Pôle sur la ville résiliente et de la Chaire de recherche en transition écologique de l’UQAM, ainsi que du Campus de la transition écologique.  

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