« Le sol vivant de la forêt urbaine »

Compte-rendu de la conférence de Tanya Handa, Institut des Sciences de l’Environnement de l’UQAM, le 28 juillet 2021


Au sein de la ville, il peut être facile d’oublier le sol sur lequel nous marchons. Les trottoirs bétonnés, les rues asphaltées et la grande surface occupée par nos bâtiments font office de plancher, de sol aménagé au-dessus du sol naturel. C’est ce dernier qui est trop souvent laissé pour compte, devenant généralement synonyme de saleté. Au mieux, il servira d’espace pour planter de la verdure décorative, mais sans grande considération au-delà de cet usage ponctuel.


Or, nos sols sont bel et bien vivants. La forêt urbaine qui compte nos boisés, mais également l’ensemble des arbres plantés sur son territoire dépendent de nos sols pour vivre. De même, nos plantes, la faune (grande et petite) et toute une série de microorganismes (insectes, colemboles, levures, champignons, protistes, microbes, virus) dépendent des sols pour leur pérennité. À ce sens, l’importance des sols urbains ne fait aucun doute : nous devons absolument apprendre à nous occuper de la vie qui y réside.

Cette vie est d’ailleurs extrêmement riche et variée, abritant un réservoir de matériel génétique encore peu connu et qui intéresse désormais le monde de la recherche. Mais plus important encore que les types de vie habitant nos sols, ce à quoi nous sommes désormais invités à nous intéresser sont les différents services écosystémiques que nous rendent ces organismes. Car la vie qui anime nos sols contribue à toute une série de processus cruciaux pour nos écosystèmes.

La participation de la faune à la décomposition des feuilles mortes permet par exemple d’assurer la réinsertion de nombreux nutriments dans les sols. Alternativement, la capture du carbone de l’atmosphère, phénomène qu’on associe généralement aux plantes, a également lieu dans les sols. Ces derniers se révèlent être des puits de carbones au potentiel encore sous-estimé. La recherche scientifique tente désormais de palier ces manques qui nous ont trop longtemps fait passer à côté d’une dimension vitale de la nature, explorant ainsi la contribution des sols à la gestion de l’eau et à la santé de l’écosystème urbain.

 
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Si les études explorant la biodiversité des sols urbains ont jusqu’à présent révélé une richesse insoupçonnée, il demeure toutefois que cette dernière est constamment mise à mal. Notre besoin de valoriser la biodiversité urbaine entre effectivement en contradiction avec nos pratiques d’aménagement urbain.

Le retrait de la matière organique, après une coupe de gazon par exemple, empêche les processus naturels de décomposition d’avoir lieu tout en exposant les sols à l’assèchement par le soleil. La minéralisation des surfaces, en plus de réduire les opportunités pour la vie de prendre racine, contribue également à une fragmentation des écosystèmes. L’impossibilité pour les sols de communiquer de manière continue, pensons aux diverses enclaves vertes le long des rues, nuit à la longue à la biodiversité.

On observe désormais que ces pratiques, si elles n’entraînent pas l’effondrement total de la biodiversité, mènent toutefois à l’homogénéisation des écosystèmes à travers le monde. On doit désormais se demander si cette homogénéisation ne nous met pas à risque de pathogènes, autant pour la nature que pour les humains, alors que des équilibres dont on ignore la profondeur et la variété tendent à se perdre.

L’exploration des sols urbains bat son plein et les expériences suivent de près les interrogations qui n’ont de cesse de surgir à mesure que nos connaissances s’approfondissent. L’aménagement réfléchi de nos trottoirs, la coupe de pelouse moins régulière suivant la méthode de gestion différenciée; quels impacts pourrons-nous observer sur la biodiversité? Les arbres et plantes ont-ils des signatures de sol spécifiques pouvant nous informer sur les formes que prend la biodiversité dans leur entourage? Quelles pratiques pourrons-nous développer pour encourager nos sols à se revitaliser? C’est à ces questions qu’il faut désormais s’atteler.




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